Section question-réponse

 

Vous trouverez ici plusieurs questions qui m’ont été posées par des étudiants de mes cours. Ce sont des questions extra-curriculaires dans le sens qu’elles ne faisaient pas partie des cours comme tels. Voici mes réponses.


Assurez-vous de bien sélectionner votre session tout au haut de la page!

-Pourquoi passer le cours complet à encourager le souverainisme alors que ton débat inclut deux (note du prof: trois!) positions? Ne devrions-nous pas être mis au courant des pour et des contres?


OK. Quelques mises en contexte. Premièrement, lors du tout premier cours de la session et plusieurs fois par la suite, je vous ai demandé de faire des recherches sur le sujet. Je l'ai dit en soulignant que ma présentation sur le sujet de la souveraineté du Québec serait différente des autres débats. Donc le "devrais être mis au courant" était votre responsabilité, encore plus que les autres cours.


Deuxièmement, je n'ai pas fait une présentation à deux volets sur les autres sujets non-plus. J'ai été pro-OGM parce que la plupart d'entre vous (et les médias) êtes craintifs et j'ai été pro-transhumanisme pour la même raison. Je vous garantis que s'il y avait eu un activiste de la bouffe bio dans la classe, il aurait voulu réagir à certaines choses et il aurait surtout voulu en ajouter d'autres! Même chose s'il y avait eu un humaniste opposé au transhumanisme.


Sur la souveraineté, j'ai été pro souveraineté parce que la majorité des Québécois, surtout les jeunes, sont contre la souveraineté. (Du moins ils croient qu'ils le sont, avant d'y avoir réfléchi convenablement sans être influencé par les mensonges fédéralistes!) Je l'ai fait pour la même raison fondamentale: susciter le débat. Les cours de philo ne sont pas des cours de science. Surtout en philo 3, le but du cours c'est de vous faire réfléchir sur des enjeux éthiques et politiques, pas de vous remplir de connaissances. Cette connaissance, surtout pour ce débat là, c'était votre responsabilité d'aller la chercher.

-Pour ou contre la souveraineté du Québec?


Pour, bien sûr!


(Pour faire référence à la question précédente: je n'ai pas présenté la souveraineté parce que je suis souverainiste. Je suis profondément opposé au transhumanisme, ça me terrorise, mais j'ai essayé de vous le présenter le mieux possible. Mon but n'est pas de passer mes opinions, mais de vous brasser pour susciter le débat.)


En fait je me demande qui, vraiment, pourrait être contre la souveraineté. Les colons Français ont établi une colonie et une société ici, pendant environ 200 ans. L'empire britannique, l'empire le plus puissant du monde, débarque ici comme un tsunami de force militaire et soumet les Français. De force. On a subjugué des citoyens français par la force des armes.


C'est juste acceptable parce que ça c'est fait au 18e siècle. Si ça arrivait aujourd'hui et que les Américains venaient envahir le Canada par la force, ça serait condamné par l'ONU et la communauté internationale. La simple force militaire brute n'est pas un moyen acceptable pour prendre contrôle d'un pays. On le sait aujourd'hui. Pourquoi l'accepter parce que ça c'est passé il y a 260 ans?


Qui plus est, notre culture ne s'est jamais assimilée à la culture britannique et canadienne anglaise. Jamais. On est encore les irréductibles Gaulois de l'Amérique du Nord qui parlent français, qui ont une culture unique et qui continuent de repousser l'envahisseur anglo-saxon.


Notre pays a été fondé, par fiat, par le roi d'un autre pays! Il n'y a pas de quoi être fier! On ne s'est pas battu comme les Américains pour créer notre pays, on se l'est fait imposer. La majorité des citoyens canadiens, en 1867, étaient opposés à la création de ce pays. Notre grand pays est donc fondamentalement anti-démocratique, et ce dès le moment de sa conception.


Il n'y a aucun argument contre la souveraineté qui tienne la route. Les arguments économiques (qui sont essentiellement des arguments de peur), ne devraient même pas faire partie du débat. Pourquoi? L'argent est un moyen, pas un but. Les buts d'un peuple viennent de leur culture, et la culture québécoise est distincte de celle du reste du Canada.


Voici un exemple qui montre que des arguments économiques (pour ou contre la souveraineté, d'ailleurs), ne sont pas valables pour la souveraineté d'un état. Que dirait-on d'un jeune de 22 ans qui ne veut pas quitter la maison de ses parents parce qu'il va devenir temporairement plus pauvre? Que dirait-on de ce jeune s'il laissait ses parents prendre la moitié de ses décisions pour lui? On dirait qu'il est immature et irresponsable, et qu'il perdrait toute dignité.


Eh bien en refusant de nous séparer du Canada, en les laissant prendre une grande partie de nos décisions, nous sommes ce jeune homme. Immatures, irresponsables et honteux. Même si la séparation faisait en sorte que nous deviendrions temporairement plus pauvre (et ce n'est pas clair que ça serait le cas: voir le livre "Fiances d'un Québec indépendant" de Maxime Duchesne), il faudrait quand même vouloir être indépendant. De la même façon que ça peut être anxiogène pour un jeune de quitter la maison familiale à 22 ans, il est temps de le faire. C'est la seule chose qui va lui permettre de se développer, de trouver sa voie et de de grandir.


Après 260 ans, nous sommes comme un homme de 38 ans qui vit encore chez ses parents, sans emplois, sans éducation, sans autonomie, incapable de subvenir à ses besoins lui-même et incapable de voir en lui-même une quelconque dignité, un quelconque honneur. Il est plus que temps que nous quittions le Canada pour devenir, collectivement, adultes.

 

-Pensez-vous réellement qu'un mouvement souverainiste pourrait recommencer au Québec dans les années à venir?


Certainement! Ce n'est qu'une question de trouver un bon leader charismatique. J'ai cru pendant plusieurs années que Jean-Martin Aussant aurait pu relancer la question au niveau national. Pour un économiste, il avait un super charisme, et épaulé par Sol Zanetti, ça aurait pu être un combo remarquable. Malheureusement JMA est parti en Angleterre pendant quelques années, il a tenté un retour désastreux et très mal réfléchi sur la scène politique et Sol est maintenant dans le giron de Québec Solidaire.


Quant à la question plus fondamentale de "Est-ce qu'il y a assez de Québécois qui sont souverainistes?", les résultats dans mes groupes de philo 3 parlent par eux mêmes. En fait, j'irais bien plus loin: parmi les Québécois qui vivent dans la culture québécoise (et non pas dans les poches de culture canadienne anglaise à l'intérieur du Québec), il n'y a à mon avis que très très peu de vrais fédéralistes. Beaucoup moins de 10%. Le problème ce n'est pas qu'il y a trop de fédéralistes. Ce qu'on a de trop, ce sont des souverainistes qui ont peur.


L'immense majorité des Québécois croient que le Québec est une société distincte à l'intérieur du Canada. En d'autres mots, ça veut dire qu'on a une culture, des valeurs, une identité et une histoire distincte du reste du Canada anglais. Le fait qu'on n'ait toujours pas signé la constitution est un signe on ne peut plus clair. Maintenant, en partant du fait qu'on a une culture, des valeurs, une identité et une histoire différente, est-ce que ça fait du sens que d'autres gens que nous prennent la moitié de nos décisions politiques et économiques? Pas du tout.


On est différent et on ne veut pas que d'autres prennent des décisions à notre place. Ça, ce sont les deux ingrédients pour faire la souveraineté. Il ne manque qu'un capitaine pour que le bateau brave la mer!

 

-De quoi sommes-nous responsables?


De tout ce qu'on décide d'épauler volontairement. On a parfois l'impression que la vie nous impose des responsabilités. Au sens premier, oui, effectivement. Un parent alcoolique, de l'abus ou une grossesse surprise pour une adolescente, ça peut devenir un fardeau de responsabilité. Mais dans un autre sens, on choisit quand même. On choisit de rester, de continuer, de faire de notre mieux.


Mais heureusement, pour la plupart des gens la plupart du temps, nous sommes responsables de ce que nous voulons porter. Le problème est que dans notre société riche, c'est assez facile de ne prendre que très peu de responsabilités. C'est même une propension naturelle. Ça a l'odeur de la liberté! Si on n'a pas de responsabilités, nous sommes complètement libres, n'est-ce pas?


Non. N'avoir aucune responsabilité ne nous rend pas libre; ça fait en sorte que nous nous retrouvons à la dérive. On peut aller où on veut, mais on n'a pas le goût d'aller nulle part. On n'a pas de d'attaches, pas de port, pas de direction. Un bateau sans ancre, voile, pagaies ou moteur, ce n'est pas un bateau libre. Dans le meilleur des cas cette dérive mène à l'ennui. Dans le pire, à la dépression et les idées suicidaires.


Pourquoi? Parce qu'on ne peut pas avoir de responsabilité envers autre chose que des humains. Les responsabilités, même si elles peuvent paraître lourdes, sont le tissu social le plus puissant qui existe. Même les liens familiaux tirent leur puissance, entre autre, des responsabilités réciproques qui se trouvent dans chaque relation. C'est un peu la même chose pour nos relations amoureuses, nos relations d'amitié et même nos relations professionnelles.


Qu'en est-il de la responsabilité envers soi-même? Je ne suis pas amateur de cette façon de voir les choses. Nous avons le devoir de devenir une bonne personne, une meilleure personne. Mais pas pour nous-mêmes, ce n'est pas une responsabilité envers soi-même. C'est pour les gens autour de nous que nous devons devenir une meilleure personne. Une personne qui deviendrait la meilleure version d'elle-même sans avoir de relation humaines authentiques aurait perdu son temps!


Combien de responsabilités doit-on entreprendre? Autant qu'on en est capable sans s'écrouler. Ça varie d'une personne à l'autre. Ça semble être un fardeau bien lourd. Et ça l'est, d'une certaine façon. Porter son enfant sur son dos pendant une marche en montagne, c'est un fardeau. Mais c'est un fardeau qui fait sourire, un fardeau qu'on épaule (ha!) avec plaisir. Ces responsabilités, celles imposées par la vie ou celles qu'on a choisit, ça ne fait pas beaucoup de différence, sont ce qui va donner une richesse inestimable à nos vies. Elles sont ce qui va nous donner un sens et un but et c'est ce qui, de façon plus surprenante, va faire en sorte que nous serons une personne plus solide quand la vie va nous lancer des défis et des balles courbes.


C'est à coup de responsabilités que nous devenons une meilleure personne, une personne entourée par des relations humaines riches et authentique, une personne digne et honorable.

 

-À force de réfléchir sur des questions n'ayant aucune réponse concrète, finissons-nous par avoir un certain vertige existentiel face à ce gouffre d'interrogation?


C'est certainement un des dangers qui guettent les gens qui plongent dans la philosophie. Un des livres de Martin Heidegger s'appelle justement: Chemins qui ne mènent nulle part! Je parle beaucoup de ce risque dans mes cours de philo 1. La philosophie peut mettre notre santé mentale en danger! Sérieusement!


Cependant, la philosophie n'est un danger que pour ceux qui en font une obsession. Se perdre dans notre tête et dans nos idées, se fermer au monde réel des actions et des relations humaines, c'est toujours une mauvaise idée. En philo ou dans d'autres sujets. Toutefois, la version de la philosophie que je présente à mes étudiants ne vous expose pas à ce risque. Voici ma définition:


La philosophie est une attitude, basée sur la rationalité et l'esprit critique, qu'on peut avoir pour mieux se comprendre nous-mêmes, comprendre les autres et mieux comprendre le monde qui nous entoure. La philosophie nous aide à cheminer vers la sérénité, la vie accomplie et le bonheur.


Pour répondre à ta question, je vais développer un peu plus sur cette idée de "vie accomplie". Une vie passée à lire de la philo et à réfléchir seul dans notre bureau, ce n'est pas du tout une vie accomplie. C'est à peine une vie tout court. Une des premières leçons de sagesse qu'on doit apprendre, c'est que notre bonheur dépend énormément de la santé de nos relations humaines. Toutes nos relations humaines (amour, famille et amis). Ainsi, une des premières leçons de la philosophie c'est qu'il ne faut pas trop en faire! Du moins pas seul! :-)


Si on reconnait l'importance immense des relations humaines authentiques, ça nous empêche de plonger dans des profondeurs isolées et isolantes de la philosophie. Cette sagesse nous force à remonter à la surface et à profiter d'un souper romantique, d'une épluchette de blé d'inde avec notre famille, d'une partie de soccer ou de jeux de rôles avec des amis, d'une bataille d'oreillers avec ton enfant, etc...


Il n'y a rien de mieux pour combattre le vertige existentiel que de manger un oreiller dans la face et d'entendre ton enfant rire au larme sur son lit!

 

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-Pourquoi passer le cours complet à encourager le souverainisme alors que ton débat inclut deux (note du prof: trois!) positions? Ne devrions-nous pas être mis au courant des pour et des contres?

-Pour ou contre la souveraineté du Québec?

-Pensez-vous réellement qu'un mouvement souverainiste pourrait recommencer au Québec dans les années à venir?

-De quoi sommes-nous responsables?

-À force de réfléchir sur des questions n'ayant aucune réponse concrète, finissons-nous par avoir un certain vertige existentiel face à ce gouffre d'interrogation?

-Quelles  sont les conséquences de la puissance des blancs "White Supremacy"?


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-Quelles  sont les conséquences de la puissance des blancs "White Supremacy"?


Premièrement, je ne suis pas un expert sur le sujet. Mes seules références sont Deeyah Khan et Katherine Belew. La question qui me semble la plus importante est: combien y en a-t-il, de ces suprémacistes blancs? Malheureusement je ne sais pas. De ce que j'en comprends, il n'y en a vraiment pas beaucoup, surtout pas en Amerique du Nord. (Rapidement: la droite politique en Amérique du Nord est surtout politique et économique, et pas vraiment raciale, comparativement à la droite en Europe.)


Le simple fait qu'il y ait des suprémacistes blancs n'est pas surprenant. On a des gens qui croient que la terre est plate, que les vaccins causent l'autisme et que l'homéopathie fonctionne: des gens qui ont des croyances ridicules, il y en a plein. Les suprémacistes blancs font partie de ce groupe de gens. Je souhaite que ces gens (incluant les trois exemples de la phrase précédente) se réveillent et comprennent à quel point ils sont dans l'erreur et à quel point ils sont potentiellement dangereux.


Quant aux conséquences de la puissance de ces suprémacistes, je ne suis pas convaincu qu'ils en ont tant. Ils sont juste trop peu nombreux. Pour l'instant du moins. Un peu comme les gens qui nient l'existence de l'holocauste. De nos jours on accuse facilement les gens d'être des suprémacistes (comme on accuse facilement les gens d'être homophobes, sexistes, racistes, transphobes, etc...) et on associe facilement l'étrange mouvement appelé "alt-right" à la suprématie blanche. Mais ce n'est pas si simple, et il n'y en a pas tant que ça (deux deux groupes).


Donc. Tout mouvement de suprématie raciale est inacceptable, répréhensible et dégueulasse. Mais il faut faire attention pour ne pas transformer un feu de poubelle en feu de forêt. En d'autres mots, aussi horrible que puisse être un tel mouvement, je crois qu'il est encore extraordinairement minoritaire (beaucoup moins que 1% des gens) en Amérique du Nord.